dimanche 11 mai 2008

Entrée au Carmel de Thérèse de Lisieux

Thérèse de Lisieux était une Carmelite. Elle est une exception car elle est entrée au Carmel à l'âge de 15 ans et y est morte à l'âge de 24 ans. Elle raconte dans ce passage son entrée au Carmel.

« Le Lundi 9 avril, jour où le Carmel célébrait la fête de l'Annonciation, remise à cause du Carême, fut choisi pour mon entrée. La veille, toute la famille était réunie autour de la table où je devais m'asseoir une dernière fois. Ah! Que ces réunions intimes sont déchirantes!... Alors qu'on voudrait se voir oubliée, les caresses, les paroles les plus tendres sont prodiguées et font sentir le sacrifice de la séparation... Papa ne disait presque rien mais son regard se fixait sur moi avec amour... Ma tante pleurait de temps en temps et mon Oncle me faisait mille compliments affectueux. Jeanne et Marie étaient aussi remplies de délicatesses pour moi, surtout Marie qui me prenait à l'écart, me demanda pardon pardon des peines qu'elle croyait m'avoir causées. Enfin ma chère petite Léonie, revenue de la Visitation depuis quelques mois, me comblait plus encore de baisers et de caresses. Il n'y a que Céline dont je n'ai pas parlé, mais vous devinez ma Mère chérie, comment se passa la dernière nuit où nous avons couché ensemble... Le matin de grand jour, après avoir jeté un dernier regard sur les Buissonnets, ce nid gracieux de mon enfance que je ne devais plus revoir, je partis au bras de mon Roi chéri pour gravir la montagne du Carmel... Comme la veille toute la famille se trouva réunie pour entendre la Ste Messe et y communier. Aussitôt que Jésus fut descendu dans le coeur de mes parents chéris, je n'entendis autour de moi que des sanglots, il n'y eut que moi qui ne versai pas de larmes, mais je sentis mon coeur battre avec une telle violence qu'il me sembla impossible d'avancer lorsqu'on vint nous faire signe de venir à la porte conventuelle; j'avancai cependant tout en me demandant si je n'allais pas mourir par la force des battements de mon coeur... Ah! Quel moment que celui-là! Il faut y avoir passé pour savoir ce qu'il est...

Mon émotion ne se traduisit pas au dehors : après avoir embrassé tous les membres de ma famille chérie, je me mis à genoux devant mon imcomparable Père, lui demandant sa bénédiction; pour me la donner il se mit lui-même à genoux et me bénit en pleurant...

C'était un spectacle qui devait faire sourire les anges que celui de ce vieillard présentant au seigneur son enfant encore au printemps de la vie!...

Quelque instants après, les portes de l'arche sainte se refermaient sur moi et là je recevais les embrassements des soeurs chéries qui m'avaient servies de mère et que j'allais prendre désormais comme modèle de mes actions... Enfin mes désirs étaient accomplis, mon âme ressentait une paix si douce et si profonde qu'il me serait impossible de l'exprimer et depuis 7 ans et demi cette paix intime est restée mon partage, elle ne m'a pas abandonnée au milieu des grandes épreuves. »


« Ce bonheur n'était pas éphémère, il ne devait point s'envoler avec ''Les illusions des premiers jours''. Les illusions, le bon Dieu m'a fait la grâce de n'en avoir aucune en entrant au Carmel; j'ai trouvé la vie religieuse telle que je me l'étais figurée, aucun sacrifice ne m'étonna et cependant, vous le savez, ma mère chérie, mes premiers pas ont rencontré plus d'épines que de roses!... Oui, la souffrance m' a tendu les bras et je m'y suis jetée avec amour... Ce que je venais faire au Carmel, je l'ai déclaré aux pieds de Jésus-Hostie, dans l'examen qui précéda ma profession :''Je suis venue pour sauver les âmes et surtout afin de prier pour les prêtres'' Lorsqu'on veut atteindre un but, il faut en prendre les moyens, Jésus me fit comprendre que c'était par la croix qu'il voulait me donner des âmes et mon attrait pour la souffrance grandit à mesure que la souffrance augmentait. Pendant 5 années cette voie fut la mienne, mais à l'extérieur, rien ne traduisait ma souffrance d'autant plus douloureuse que j'étais seule à la connaître. Ah! Quelle surprise à la fin du monde nous aurons en lisant l'histoire des âmes!... Qu'il y aura des personnes étonnées en voyant la voie par laquelle la mienne a été conduite!... »