jeudi 7 février 2008

La retraite...

Voilà des extraits d'une interview qu'a donné Matthieu Riccard (moine bouddhiste, traducteur du Dalaï Lama) au magazine Animan. Il vient de sortir d'une retraite de un an effectuée sur les hauteurs de Katmandou. J'espère que les amis et parents pourront mieux comprendre ce que je vais entreprendre.

« La vocation de l'ermite est souvent mal comprise. L'ermite ne s'éloigne pas momentanément du monde parce que personne ne veut de lui, qu'il n'a trouvé rien de mieux qu'aller dans les montagnes ou parce qu'il est incapable de faire face à ses responsabilités. Son choix délibéré et intelligent naît de la compréhension qu'il ne va pas arriver à démêler l'écheveau du bonheur et de la souffrance en tourbillonnant interminablement dans l'agitation de la vie ordinaire. Il ne fuit pas le monde mais prend ses distances afin de le mettre en perspective et de mieux comprendre ses mécanismes. Il ne fuit pas les êtres mais a besoin de temps pour cultiver un amour altruiste et une compassion qui résiste aux assauts des turbulations de l'existence. »

« Afin d'acquérir de la vigueur, il importe d'avoir la possibilité de s'entraîner et dans le cas de l'ermite, la liberté de s'exercer à une nouvelle manière d'être, Il faut donc y consacrer le temps nécessaire. L'animal blessé se cache dans la forêt le temps de guérir ses blessures, puis gambade à nouveau par monts et par vaux, Nos blessures sont celles de l'égoïsme, de la malveillance, de l'obsession, et des autres toxines mentales qui remuent constamment le fer de nos pensées sauvages dans la plaie de notre expérience vécue. »

« Pour quelques mois ou quelques années, parfois pour la durée de son existence, l'ermite s'éloigne des activités ordinaires, de la vie de famille et du contact avec la société. Dans quel but? En dehors de la manne spirituelle qu'il en retire, en quoi peut-il contribuer au bien de la société? Pour répondre à ces interrogations, il convient de considérer la motivation de l'ermite, Le déclic initial est généralement provoqué par un sentiment de lassitude et d'insatisfaction à l'égard des préoccupations ordinaires de la vie quotidienne. »

« Il ne s'agit pas pour l'ermite de renoncer à tout ce qui est bon dans l'existence, mais aux causes de la souffrance qui sont enfouies dans son propre esprit : l'agression, la confusion, l'avidité, l'arrogance et la jalousie. »

« L'ermite ne se désintéresse nullement du sort de l'humanité, mais se rend compte que dans la situation qu'est la sienne, il est non seulement incapable d'accomplir le bienfait d'autrui, mais il est aussi impuissant à construire son propre bonheur. »

« L'ermite commence donc par comprendre que le bonheur authentique ne dépend pas fondamentalement des conditions extérieures mais de la transformation de son esprit et de sa manière de traduire les circonstances de l'existence en bonheur ou en mal-être, il comprend que tant que l'on ne s'est pas débarrassé de la haine, de l'obsession, de l'orgueil, de la jalousie et des autres toxines mentales, il est aussi vain d'aspirer au bonheur que de souhaiter la fin de ses brûlures sans retirer la main du feu. »

« Selon le bouddhisme, chaque être porte en lui un potentiel de perfection, comme chaque graine de sésame est imprégnée d'huile, Mais nous en sommes souvent inconscients, tel le mendiant, à la fois pauvre et riche, qui ignore qu'un trésor est enfoui sous sa cabane, Rentrer en possession de cette richesse qui est nôtre permet de vivre une vie pleine de sens. »